Ce génocide interpelle toujours
aujourd’hui le monde entier. Pour de multiples raisons, comme
le rappelle l’article “ Idéologie raciste et génocide
” de Charles Jimomo, que nous vous proposons dans ce dossier.
Le Rwanda est un ancien protectorat
allemand, qui passa ensuite sous mandat colonial belge. Les réalités
multi-ethniques de cette région africaine ont été
alors – comme partout ailleurs - instrumentalisées par
les autorités étrangères souveraines de jadis dans
le but de “ diviser pour régner ”, un vieux concept
colonialiste et impérialiste. Soutenant tantôt les Tutsis
contre les Hutus, tantôt les seconds contre les premiers, le colonialisme
belge est historiquement et en partie responsable des tensions ethniques
qui “ balkaniseront ” ensuite le Rwanda.
La Belgique a donc une part de responsabilité
dans le fil rouge qui conduira au génocide. Tout comme l’ensemble
des “ Etats du Monde moderne ” qui seront très vite
mis au courant de ce qui allait se produire au printemps 1994 au pays
des “ Grands lacs ”. Ces mêmes Etats ne jouèrent
aucun rôle préventif pour empêcher les premiers massacres.
Pire, le président français
de l’époque, François Mitterrand, allait tout faire
pour sauver son ami rwandais Juvénal Habyarimana, dont les rênes
de la dictature étaient tenues par les fascistes racistes du
“ Hutu Power ” ; un nom sinistrement choisi en rapport avec
le “ White Power ”, des néonazis américains
nostalgiques du KKK assassin de milliers de Noirs américains.
En Belgique aussi, le roi Baudouin multiplia les témoignages
de soutien à son ami Habyarimana (1).
Les prémices de ce génocide
étaient pourtant clairement présentes depuis bien longtemps.
Les signaux d’alerte ne manquèrent pas, mais ils ne déclenchèrent
aucune véritable réaction de la part des autres pays,
qui préférèrent fermer les yeux.
A ce sujet, Mehdi Ba, l’un des nombreux
auteurs d’un livre sur ce génocide écrit : “
Durant l’année qui précède le génocide,
les signes annonciateurs de la “ solution finale ” préconisée
par (…) le cercle des extrémistes hutu proches de la famille
Habyarimana, se multiplient. Un rapport réalisé en 1993
par une commission d’enquête réunissant la Fédération
internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH) et l’organisation
américaine Human rights watch Africa dévoile la dérive
génocidaire du gouvernement ” (2). Nonobstant les nombreux
avertissements, le génocide aura lieu. Il se déroulera
en seulement quelques semaines, et sera le dernier du vingtième
siècle.
Arméniens, Tziganes, Juifs, Tutsis,…
qu’ils soient bébés, enfants, adolescents, femmes
ou hommes, ils furent tous assassinés par des régimes
oppresseurs exploitant le “ racisme populaire ” à
des fins politiques et dans le but final de conquérir un plus
“ grand espace vital ” pour le bien-être des désignés
autochtones du moment.
Toujours précédés
par une diffusion massive de propagande stigmatisant les prochaines
victimes comme étant les “ autres ”, les “
ennemis intérieurs ”, les “ ennemis à la Patrie
”, les “ éléments étrangers à
la Nation ”, les “ différents ” de “
Notre peuple d’abord ”… les génocides procèdent
systématiquement selon le même mode d’emploi. Avec
une identique méthodologie parfaitement – froidement –
élaborée par des intellectuels de régimes dictatoriaux.
Le génocide des Tutsis du Rwanda et l’assassinat massif
de démocrates Hutus, en 1994, n’ont pas dérogé
à la sinistre “ règle génocidaire ”.
Tout comme le génocide des Arméniens
par le pouvoir turc au début du XXème siècle ou
celui des Juifs commis par la dictature hitlérienne durant la
Deuxième guerre mondiale, le génocide des Tutsis du Rwanda
en 1994 rappelle que la justice rattrape toujours ceux qui ont cru pouvoir
établir un système politique sur le racisme organisé.
C’est pour cette raison que nous
vous proposons ce dossier, en collaboration avec IBUKA - Mémoire
et Justice, une association installée en Belgique et rassemblant
des rescapés et des familles de victimes du génocide commis
au Rwanda il y a dix ans.
Le but de ce dossier est aussi de participer
à la lutte pour que ce génocide ne passe pas dans les
oubliettes de l’Histoire, par le biais d’une véritable
stratégie d’intoxication négationniste à
la manière du sinistre Robert Faurisson (le plus connu des négateurs
du génocide des Juifs), comme semblent l’espérer
ses responsables et ses nombreux complices. C’est pour cela que
nous avons pris, avec IBUKA, l’initiative de lancer un “
Appel pour la vérité, la justice et le souvenir ”
qui, interpelle notamment le gouvernement belge pour qu’il soutienne
vigoureusement tous les efforts pour que justice soit totalement rendue
aux victimes et aux survivants du génocide.
Cet appel a déjà été
signé par plusieurs dizaines de citoyens, des hommes et des femmes
politiques (dont l’ancien sénateur Josy Dubié, les
sénateurs Alain Destexhe, Michel Guilbert,…), des intellectuels
(dont le philosophe Alain Glucksman, le sociologue Ural Manço,
l’historien Jean-Philippe Schreiber,…), des éditeurs
(Marie-Paule Eskenazi…), des avocats (Jean-Marie Dermagne, Michel
Mahmourian…), des journalistes, des enseignants… Par des
Rwandais, des Tutsis, des Belges, des laïques, des catholiques,
des musulmans, des juifs, des turcs, des arméniens,…
La rédaction de RésistanceS
forme le vœu que ce dossier puisse servir au combat pour la mémoire
et la justice.
Manuel ABRAMOWICZ
Coordinateur de la rédaction de RésistanceS
Bruxelles, le 17 février 2004
Le dossier “ Dossier Rwanda 1994 – 2004 - Le dernier génocide
du XXème siècle ” vous est proposé par les
associations :
RésistanceS
9 Quai du Commerce 1000 Bruxelles
info@resistances.be
www.resistances.be
IBUKA - Mémoire et Justice
58 rue de la Prévoyance 1000 Bruxelles
Tél/Fax : +32/ (0)2.513.21.44
ibuka@mail.com
Notes :
(1) Sur les liens étroits entre le roi Baudouin et son ami dictateur
Juvénal Habyarimana, il faut lire de toute urgence le livre de
Nadia Geerts, l’une des chevilles ouvrières de RésistanceS
: “ Baudouin sans auréole ”, édité
en 2003 aux éditions Labor (Bruxelles – www.labor.be).
(2) Mehdi Ba : “ Rwanda, un génocide
français ”, aux éditions L’Esprit frappeur,
Paris, 1997, page 17.
© RésistanceS – Bruxelles
– Belgium – février 2004